Travail en période de forte chaleur : quelle prévention ?

Même si la météo n’a pas été des plus belles partout en France en cette fin juin, de nombreux salariés seront exposés encore à de fortes chaleurs cet été du fait de leur activité professionnelle ou tout simplement du climat. Les risques pour la santé peuvent être graves : coup de chaleur, malaise, déshydratation, insolation, brûlure, … Travailler en période de forte chaleur nécessite une organisation spécifique, de l’anticipation, on vous dit tout !

De nombreuses questions se posent :
– à partir de quelle température doit-on mettre en place des mesures de prévention ?
– quelles sont les obligations de l’employeur concernant ces risques ?
– comment évaluer les risques ?
– peut-on arrêter de travailler quand il fait trop chaud ?

thermomètre pour mesurer température et déterminer seuil travail en période de forte chaleur : 28 degrés travail en extérieur ou physique en intérieur, 30 degrés sinon. Ces températures sont indicatives et non fixées par la loi.

Forte chaleur : quelles obligations pour l’employeur ?

L’article L.4121-1 et suivants du code du travail précisent les obligations de l’employeur en matière de santé sécurité au travail et notamment son obligation de sécurité vis à vis de ses collaborateurs.

Il lui appartient donc d’assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Les principes généraux de prévention entrent alors en jeu.

Il lui appartient également de prendre en compte les ambiances thermiques sous 3 volets :
– l’évaluation des risques
le document unique ou DUERP
– le plan d’actions associé

Que prévoit exactement la règlementation ?

Le code du travail ne donne aucune indication de température minimale au-dessus de laquelle il est dangereux ou interdit de travailler.

Par contre comme tout risque, le risque de forte chaleur implique l’application de principes généraux de prévention. Il impose aussi des dispositions relatives aux ambiances particulières de travail.

Forte chaleur : quels critères pour la prévention ?

L’employeur, quelle que soit l’activité de son entreprise, doit évaluer les risques liés au travail à la chaleur.

Les paramètres à prendre en compte sont :
– l’organisation du travail
– certains facteurs individuels
– la température
– l’aménagement des locaux
– la tâche à effectuer
– les caractéristiques de l’environnement de travail

Forte chaleur : quel impact sur le document unique ?

Pour chaque unité de travail de l’entreprise ou de l’établissement, l’employeur doit inventorier les risques identifiés. Le risque concerne l’exposition à de fortes chaleurs (nous verrons plus loin quelle température pour quel métier).

Le plan d’actions ou PAPRIPACT (pour les entreprises de plus de 50 salariés) devra comprendre :
– les mesures à prendre,
– formations, consignes de travail, mesures de protection collective,
– conditions d’exécution, estimation des coûts,
– ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées,
– calendrier de mise en oeuvre.

Forte chaleur : quelles mesures de prévention adaptées ?

Travailler en période de forte chaleur nécessite plusieurs moyens de prévention. Ces derniers sont tout d’abord collectifs puis ensuite les situations individuelles sont étudiées.
Nous allons faire un zoom ici sur 5 points fondamentaux.

Quelle formation et information des salariés ?

Cette formation et cette information concernent déjà tous les salariés exposés.

Elle porte sur :
1. les risques spécifiques (soleil, chaleur)
2. les postes exposés (liste des postes concernés)
3. les mesures de prévention adoptées et à respecter

Des formations mises en place doivent être évidemment adaptées au poste de travail .

Quelle mise à disposition de moyens ou d’équipements de protection adaptés ?

L’employeur doit fournir des EPI (équipements de protection individuels) adaptés au poste.

Le coût financier est à la charge de l’employeur. Les vêtements de travail sont de couleur claire (attention le jaune fluo attire les abeilles, guêpes, …). Le couvre-chef est indispensable pour tout travail à l’extérieur. De même, il faut prévoir un nombre suffisant (notamment en termes de change) et l’employeur doit en assurer l’entretien régulier (ou prendre en charge le coût).

affiche de l'INRS pouvant être utilisée pour sensibiliser au port du couvre chef en cas de période de forte chaleur - FD Conseil été 2024

Quel aménagement des postes de travail ?

Deux cas peuvent se présenter :

  • soit le collaborateur travaille en extérieur. Il faut alors aménager les postes de travail extérieurs de telle sorte que les travailleurs soient protégés contre les conditions atmosphériques (zone d’ombre par exemple).
  • soit le collaborateur travaille en intérieur. Il faut alors assurer une température « adaptée » à l’intérieur des locaux (climatisation, isolation, réglage de la fermeture et de l’ouverture des portes, …).

Le salarié peut-il exercer son droit de retrait ?

Le droit de retrait ne s’exerce déjà qu’en cas de situation de danger grave et imminent. Il faut donc avoir à même des éléments qui prouvent cette situation (risque de malaise, température réelle, …)

Si cette situation est ainsi appréciée par le salarié et qu’il a des éléments de preuve, il a alors la possibilité d’interrompre ses activités et de quitter son poste de travail tant que l’employeur n’aura pas mis en place les mesures de prévention adaptées.

Donc, afin de prévenir ces situations, une évaluation des risques et la mise en place de mesures de prévention appropriées permettent en principe de limiter les situations de danger.

Comment organiser les secours?

Toujours dans une logique d’anticipation et de prévention, l’employeur peut en amont (et est tenu de) organiser les soins d’urgence à donner aux salariés accidentés et aux malades.

Cela comprend :
– les modalités d’intervention en fonction des risques,
– du personnel formé aux premiers soins,
– la mise à disposition d’un matériel de secours adapté et accessible,
– un protocole interne d’administration des soins d’urgence et d’appel des services extérieurs de secours (tenir à disposition sur affichage obligatoire les numéros d’urgence, hôpital le plus proche, …).

organisation des premiers soins en cas de forte chaleur, malaise, brûlure, image trousse de secours FD conseil

Travail en période de forte chaleur : existe-t-il des dispositions particulières ?

Oui ! Il existe bien entendu des dispositions particulières à ce cadre général afin de protéger les salariés les plus fragiles ou les plus exposés.

Quelle prévention pour les jeunes travailleurs ?

Articles L. 453-8 et D. 4153-36 du Code du travail

Il est interdit d’affecter des jeunes travailleurs de moins de 18 ans à des travaux les exposant à une température extrême susceptible de nuire à la santé.

Quelle prévention pour les chantiers BTP ?

Articles R. 4534-142-, R. 4534-143 et L. 5424-9 du Code du Travail

Sont obligatoires ainsi :

  • la mise à disposition des travailleurs :
    – d’un local permettant leur accueil dans des conditions de nature à préserver leur santé et leur sécurité en cas de survenances des conditions climatiques susceptibles d’y porter atteinte;
    – d’aménagements de chantiers.
  • fournir au moins 3 litres d’eau par jour et par travailleur.
  • possibilité pour certaines activités et sous conditions d’arrêter le travail pour intempéries.
sur les chantiers BTP, à partir de 28 degrés, l'employeur doit fournir 3 litres d'eau par jour et par salarié.

Travail en période de forte chaleur : le dispositif pénibilité

Les températures extrêmes sont un des facteurs de risques professionnels concernés par le dispositif pénibilité.

Les salariés exposés plus de 900 heures par an à une température supérieure ou égale à 30 degrés peuvent acquérir des points crédités sur le compte professionnel de prévention (C2P).

Ensuite ces points peuvent être convertis sur le CPF pour favoriser une reconversion professionnelle ou permettre aux salariés de partir progressivement en retraite ou plus tôt.

Travail en période de forte chaleur : quels effets sur la santé ?

symptômes et signaux d'alerte exposition prolongée forte chaleur avec effets source INRS

Les conséquences d’une exposition à de fortes chaleurs sont multiples et peuvent se traduire par :
– une hypothermie majeure (température corporelle > 40°C)
– des signes neurologiques : troubles du comportement, convulsions, coma,
– signes précurseurs possibles et qui doivent alerter
– risque de décès
– risque de lésions cérébrales irréversibles
Le pronostic est aussi lié à la rapidité de la prise en charge, chacun doit donc être vigilant et pouvoir alerter si un(e) collègue présente ces symptômes.

conduites à tenir en cas de victime de coup de chaud source inrs

D’autres effets sont possibles :

  1. Syndrôme d’épuisement – déshydratation : soif, transpiration abondante, fatigue intense, maux de tête, vertiges, faiblesse musculaire, nausées, vomissements, perte de connaissance brève => la prise en charge initiale est identique à celle du coup de chaleur;
  2. Autres symptômes qui doivent alerter : éruption cutanée, crampes, oedèmes des extrêmités, décompensation de pathologies préexistantes, diminution des performances cognitives, baisse de la vigilance, augmentation des temps de réaction, mains moites glissantes => risque d’accident du travail.

Travail en période de forte chaleur : quelles mesures de prévention ?

4 principes de base qui doivent permettre de :
– réduire l’exposition à la chaleur extrême
– réduire la production de chaleur
– favoriser l’évacuation de la sueur
– compenser les pertes hydroélectrolytiques.

3 grands moyens :
– évaluation des risques,
– élaboration des mesures de prévention et anticipation de leur mise en oeuvre : mesures collectives, mesures individuelles, mesures organisationnelles et organisation des secours
– retours d’expérience de tous.

Travail en période de forte chaleur : quelles mesures de prévention techniques collectives (exemples) ?

Dès la conception des locaux de travail, il faut penser à :

  • limiter les apports de chaleur venant de l’extérieur : isolation, stores, …
  • assurer une ventilation efficace
  • climatiser les lieux de travail

Pour les chantiers et travaux en extérieur, il est possible de :

  • délimiter des zones ombragées, des aires de repos climatisées,
  • mettre en place une climatisation, notamment dans les véhicules tels que les engins de chantier,
  • installer des sources d’eau potable fraîche à proximité des postes de travail

Travail en période de forte chaleur : quelles mesures de prévention techniques individuelles (exemples) ?

Il existe plusieurs possibilités de mesures de prévention individuelles pour le travail en période de forte chaleur. En voici quelques unes :
– Limiter les efforts physiques grâce à des aides mécaniques à la manutention,
– Fournir des tenues de travail adaptées permettant l’évacuation de la sueur. En effet les équipements de protection individuelle doivent être portés même en cas de forte chaleur. Il convient donc en amont des périodes de forte chaleur, de choisir les mieux adaptés à ce type de conditions physiques de travail.
– …

Travail en période de forte chaleur : quelles autres mesures de prévention individuelles ?

Beaucoup de bon sens dans les mesures suivantes, mais il ne faut pas hésiter à les anticiper et les promouvoir auprès de ses collaborateurs.

Ainsi il faut boire de l’eau régulièrement, sans attendre d’avoir soif. Il est important aussi d’adapter son rythme de travail à sa tolérance à la chaleur.
Se mettre à l’ombre, au frais, éviter les efforts physiques et utiliser les aides à la manutention limitent aussi les risques.
Enfin des vêtements favorisant l’évaporation de la sueur, tout en veillant à la protection contre les rayonnements ultraviolets solaires en cas de travail à l’extérieur sont indispensables. Un gros plus les équipements rafraîchissants comme des gilets, serviettes humides, … soulagent aussi.

Travail en période de forte chaleur : quelles mesures de prévention organisationnelles ?

Ces mesures sont à adapter en fonction de l’activité de l’entreprise et les idées des équipes sont souvent pleines de sagesse et de pratique !

Voici quelques mesures qui peuvent être mises en place :
– éviter les heures les plus chaudes si possible : commencer plus tôt pour finir plus tôt
– limiter ou reporter les efforts physiques si possible
– permettre des pauses plus fréquentes, plus longues, dans des lieux frais et ombragés,
– mécaniser les tâches physiques si possible,
– permettre aux salariés d’adapter leur rythme de travail,
– éviter le travail isolé (surveillance mutuelle),
– prendre en compte la période d’acclimatation (au moins huit jours),
– permettre et promouvoir les comportements individuels protecteurs (eau, équipements),
– …

Conclusion

Travailler en période de forte chaleur nécessite de mettre en place des mesures spécifiques et de les anticiper dans l’organisation du travail.

Particulièrement à partir de 28 °C pour un travail nécessitant une activité physique ou 30°C pour un travail de bureau, la chaleur peut constituer un risque pour la santé des salariés.

Il convient de réévaluer la situation régulièrement. Si l’employeur considère que ses salariés sont en danger, il faut faire cesser le travail.

Il ne faut pas hésiter à vérifier quotidiennement les niveaux de chaleur attendue et adapter au fil de l’eau l’organisation du travail. Pour vous y aider, une veille quotidienne est disponible pour chaque département du 1er juin au 31 août vigilance météo.

En cas de canicule, la plateforme téléphonique Canicule Info Service (0 800 06 66 66) donne des informations complémentaires.

Vous souhaitez faire un point sur votre activité et voir comment bien prendre ce risque dans votre métier ? Contactez-nous .

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Pour aller plus loin sur ce sujet, voici quelques ressources :
inrs sur le travail en période de forte chaleur
ministère du travail, de la santé et des solidarités

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